Les chandeliers dans la religion catholique
L’utilisation du chandelier dans le mobilier remonte aux origines même de l’Église. À ses tous débuts, le chandelier était généralement posé par terre. Cependant, certaines célébrations spéciales requéraient la disposition des chandeliers sur l’autel. En outre, l’emplacement des chandeliers dépendait en fonction du jour de fête ou de la célébration. Cela a été la seule règle dictant l’utilisation de chandeliers jusqu'au 16e siècle. À cette époque, le Concile de Trente décrète que le service d’autel doit maintenant être composé de six chandeliers. Ces derniers peuvent être soit posés sur l’autel lui-même, soit autour. Dans ce cas, ils sont longs d’au moins un mètre.
Plusieurs chandeliers liturgiques de l’Île d’Orléans sont répertoriés parmi le patrimoine culturel de Québec. La comparaison typologique permet de rapidement observer des ressemblances stylistiques entre les collections. On ne peut cependant pas attribuer aux chandeliers d’église de l’Île d’Orléans un style unique au Québec pour le 18e siècle.

Au coeur de la célébration

Tout type de chandelier a la fonction première de support. Il est destiné à recevoir des chandelles, bougies ou des cierges. C’est la fonction secondaire qui va ensuite influencer la forme, le style et la taille de l’objet. Par exemple, à l’Île d’Orléans on conserve des chandeliers d’autel ou des chandeliers pascal. Ces derniers sont destinés à soutenir le cierge pascal, symbole du Christ ressuscité. Ils sont habituellement très élevés et richement ornés. Les chandeliers d’autel quant à eux ont la fonction plus simple d’assister le service religieux. Le fait qu’ils soient posés sur l’autel va influencer leur taille qui serait habituellement autour d’un mètre. On retrouve aussi ce type de chandelier toujours en groupes de deux, quatre ou six.
Les chandeliers conservés à l'église de Sainte-Famille sont des chandeliers d’autel que l'on a retrouvés en nombre de six.
Symbolique
Selon la religion catholique, l’église et l’autel représentant le Temple céleste parfait, les septs luminaires qui sont sur l’autel rappellent les sept puissants esprits dont St-Jean a parlé dans son apocalypse. Ils se tiennent devant le trône de Dieu. Les six cierges brûlent comme les symboles de la vie divine. La septième flamme représente la croix elle-même. Ces sept rayons de lumières éclairent le monde pour lui donner la vie et la lumière. Ils apparaissent à la vision humaine comme sept aspects correspondant au symbolisme traditionnel des sept dons du St-Esprit, des sept vertus, des sept Sacrements.
Chandeliers de Sainte-famille: une collection dans tous ses états
Six chandeliers, datant du Régime français, soit de 1750, font partie de l’ensemble du maître-autel de l’église Ste-Famille. Ils ont été dorés à la feuille d’argent. Leur hauteur est de 84 cm, leur largeur ainsi que leur longueur sont de 26 cm. Ils ont la forme d’une lampe torchère ayant une base tripode, d’un fût et d’une tête en forme de vase. Des motifs de fleurs sont sculptés sur la panse, le fût est rehaussé de feuilles et les têtes sont ornées de godrons et d’une frise.
Malheureusement, leur état est considéré comme déplorable puisqu’ils ont subi divers traitements allant à l’encontre d’un idéal de conservation. Deux chandeliers ont conservé toutefois leur état d’origine malgré beaucoup d’usures de la couche d’apprêt de la dorure. La feuille d’argent datant de 1750 a perdu de son argenture. Deux autres ont été décapés puis repeints en noir, probablement pour être utilisés lors de funérailles. Deux autres ont également été décapés il y a plus d’une vingtaine d’années et sont restés depuis dans cette condition.

Un artiste à l'identité incertaine
À cette époque, les artistes ne signent pas leur travail. Il est donc difficile de dire avec certitude le nom du sculpteur des chandeliers de l’église Sainte-Famille. Cependant, il serait possible que ce soit Pierre Émond car il a été actif pendant cette période (1750-1780). De plus, il a réalisé le tabernacle de l’église Saint-Pierre. Il a appris le métier de menuisier dans l’atelier de François-Noël Levasseur, de Jean-Baptiste-Antoine Levasseur et dans celui de Jean Baillairgé. Ses œuvres sont empreintes de la continuité des formules du Régime français. Ce sont principalement les communautés religieuses qui ont utilisé ses services. C’est à partir de 1785 qu’il se voue à la sculpture ornementale et à la statuaire.
Matériau : un bois tendre
Les chandeliers sont faits principalement de bois qui sera coupé, sculpté et assemblé. Les chandeliers d’autel de l’église Sainte-Famille sont réalisés en bois de peuplier qui est aussi utilisé pour la sculpture fine. Ce bois a un grain uniforme. Il est léger, tendre et facile à travailler et il est de couleur pâle ce qui en fait le matériau idéal pour les moulures et la sculpture des motifs retrouvés d’ailleurs sur ces chandeliers.
Dorure: Un art qui vaut son pesant d’or
La réalisation de la dorure traditionnelle soit celle à la colle, demande 17 étapes très complexes et longues. Elle consiste à appliquer de la dorure avec des feuilles d’or ou d’argent très minces. L’effet est beaucoup plus éclatant qu’avec l’application d’une peinture à la bronzine ou tout autre peinture décorative. Comme il faut du calme, il s’agissait souvent des femmes qui pratiquaient ces étapes. Ici, ce sont les religieuses qui ont procédé à cette succession de phases. Il y avait deux ateliers à Québec qui effectuaient l’application de la dorure soit celui des Ursulines et des Augustines. Dans le cas des chandeliers de l’église Sainte-Famille, ce sont les Ursulines qui ont réalisé le travail. D’ailleurs, on a retrouvé dans les archives des preuves de paiement faites à cette communauté pour leurs services.

La restauration : un défi précaire
Madame Isabelle Paradis, que l’on retrouve dans la vidéo, est restauratrice de biens culturels, spécialisation sculpture, au Centre de conservation de Québec. Son expertise pour les chandeliers d’autel de l’église Ste-Famille est précieuse. En effet, elle nous explique l’état dans lequel se retrouvent ces chandeliers du 18e siècle qui ont subi des changements (décapage, peinture noire) qui n’ont pas favorisé une bonne conservation. De plus, elle nous éclaire sur le travail particulier de la dorure et de l’argenture. Pour en savoir plus sur les étapes de la dorure, vous pouvez consulter le site du Centre de conservation de Québec :
Quant à M. Jean-Charles Paquet, également dans la vidéo, c’est en 1959 qu’il commence sa carrière de restaurateur d’objets du patrimoine religieux. Finissant de l’École des métiers de Québec, il commence à travailler chez Juneau & Frères, entrepreneurs peintres et spécialistes des travaux de peinture des églises. Il y apprendra diverses techniques dont la dorure. Son savoir-faire de la dorure traditionnelle, à la colle, a permis de restaurer de nombreux monuments de notre histoire. De toutes ses réalisations, juste en haut de la porte centrale extérieure de l’église Ste-Famille, on peut y admirer l’inscription en latin qu’il a recouvert de dorure.
Conservation

Tel que mentionné précédemment, les chandeliers sont conservés à l'église Sainte-Famille. Or, le mot « conserver » est bien riche pour décrire leur actuel état d’entreposage. En effet, malgré leur importante valeur historique et artistique, les chandeliers se trouvent être entassés dans un ancien confessionnal placé dans la sacristie de l’église.
La restauration et la conservation des chandeliers sont des projets qui restent toujours à compléter. (Mai 2021)
Crédit
Réalisation de l’exposition: Justine Gros-Louis et Hélène Robert
Remerciements spéciaux à:
Laurier Turgeon, directeur du BISHEP à l’Université Laval
Isabelle Paradis, restauratrice au Centre de conservation de Québec.
Béatrice Lebel et Célian Montalon (Vidéo mai 2019)